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Les réductions d’émissions de carbones au terme de l’Accord de Paris ne permettent pas d’atteindre l’objectif nécessaire pour sauver le climat

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L’Accord de Paris sur le climat signé vendredi 22 avril est important, mais pas suffisant. En terme de protection climatique, il faut agir vite. Une réduction immédiate de quatre super polluants pourrait aider à faire la différence entre un climat raisonnablement sécurisé et un climat qui aurait des coûts humains et financiers ahurissants.

Les scientifiques ont récemment tiré de nouvelles sonnettes d’alarme climatique, alors que le réchauffement s’accélère à un rythme sans précédent depuis 66 millions d’années. La mer de glace de l’Arctique, qui renvoie une chaleur significative dans l’atmosphère, vient encore d’atteindre un record hivernal de rétrécissement. Et la calotte glaciaire de l’Ouest Antarctique pourrait être en train de se désintégrer, menaçant d’entraîner une élévation du niveau de la mer de cinq à six pieds à l’échelle de ce siècle, inondant de nombreuses villes et populations côtières.

Les risques pour la santé humaine continuent de s’accélérer. Aux Etats-Unis, des dizaines de milliers de personnes mourront prématurément chaque année en raison de vagues d’extrêmes chaleurs, d’inondations et orages violents, ainsi qu’en raison des maladies véhiculées par les moustiques et les tiques, selon un rapport récent de la Maison Blanche. Le coût financier sera astronomique si l’on échoue à contenir le réchauffement sous la barre des 2°C avant la période pré-industrielle- la limite maximum recommandée par les experts pour un minimum de sécurité. S’adapter à la montée des températures ralentira la croissance économique mondiale et coûtera des milliers de milliards au cours du siècle à venir, confinant des millions de personne à la pauvreté, aggravant les coûts de la facture climatique.

Le scénario cauchemar est celui induisant de l’arrivée de « mécanismes de rétroaction » qui auront des impacts incontrôlés, créant un cercle vicieux sans fin. Par exemple, alors que le réchauffement s’accélère, le rétrécissement de  la mer de glace de l’Arctique entraîne un réchauffement supplémentaire de 25% depuis 1979 en sus du réchauffement issu des émissions de dioxyde de carbone. De même, alors que l’Arctique se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne globale, le pergélisol dégèle et libère du méthane qui accentue d’autant le réchauffement. Dans le courant de l’année dernière, la hausse des températures a également contribué à des feux de forêts records en Alaska, ce qui fait fondre la couche isolante supérieure du pergélisol, ajoutant encore plus de méthane dans l’atmosphère, en plus du carbone émis par les incendies eux-mêmes.

Si l’on ne parvient pas à ralentir rapidement ces mécanismes de rétroaction, nous pourrions perdre l’importante bataille du réchauffement climatique et être confrontés à des problèmes futurs encore plus importants.

Tous les pays doivent maintenir et poursuivre leurs engagements de réductions importantes d’émissions de dioxyde de carbones au nom de l’Accord de Paris. Pourtant, même si ce dernier était en totalité exécuté, les températures mondiales vont continuer d’augmenter entre 2,2°C et 3,4°C, bien au-dessus du seuil des 2°C. Le meilleur moyen, et le plus rapide, d’éviter une déstabilisation climatique, est de réduire les émissions de super polluants qui contribuent grandement au réchauffement en dépit du fait qu’ils sont produits en de bien plus faibles quantités que le dioxyde de carbone. Ils incluent notamment l’ozone troposphérique et les émissions de noir de carbone, issus des centrales électriques et des moteurs diésel, ainsi que le méthane (émis par les système de gaz naturels et de l’agriculture) et les hydrofluorocarbures (HFC) dans les climatiseurs et autres systèmes réfrigérants.

Ces quatre super polluants sont entre 28 and 4,000 fois plus puissants en termes de réchauffement que le dioxyde de carbone. Et puisqu’ils ne restent que peu de temps dans l’atmosphère, ralentir leur émission peut réduire le réchauffement rapidement. L’ozone troposphérique et le noir de carbone disparaissent en un mois, le méthane et les HFC en 15 ans. En revanche, 25% du dioxyde de carbone restent dans l’atmosphère pendant 500 ans ou plus. Réduire drastiquement les super polluants pourrait réduire le rythme du réchauffement de presque 50% dans la période critique entre aujourd’hui et 2050.

Ces réductions sont sans doute le meilleur – et peut être le seul - moyen de ralentir le réchauffement à moyen terme, et d’empêcher que les mécanismes de rétroaction ne deviennent incontrôlables. Il existe d’autres bénéfices de taille. La pollution émise par le noir de carbone coûtera des millions de vie par an: remplacer les véhicules diesel ainsi que les fourneaux à charbon et lanternes (souvent utilisées à l’intérieur dans les pays en voie de développement avec des effets mortels) pourrait sauver jusqu’à 80 millions de vies humaines sur les 20 prochaines années. L’ozone troposphérique nuit aux récoltes, la réduire permettra d’améliorer la sécurité alimentaire pour des centaines de millions. L’utilisation mondiale des HFC peut être réduite par le Protocole de Montréal cette année.

Réduire les émissions de dioxyde de carbone reste un impératif qui ne peut être reporté. Cependant, la stratégie parallèle de réduction des super polluants est peut être encore plus importante pour éviter des conséquences désastreuses à moyen terme.

Mario Molina a partagé le Prix Nobel de Chimie en 1995 pour ses travaux sur les chlorofluorocarbures et enseigne à l’Université de Californie, San Diego.

V. Ramanathan a découvert le potentiel de réchauffement des halocarbures et est professeur de science atmosphérique et climatique à UC San Diego.

Durwood Zaelke est Président de  l’Institut pour la Gouvernance & Développement Durable.

This column was originally published in USA Today on 22 April 2016.  The Spanish translation is here.